Alain-Fournier, 2, rue Cassini
Alain-Fournier prit son nom de plume en 1907. Cette année-là, il échoua en juillet à l’oral de l’Ecole Normale Supérieure de Paris, et apprit qu’Yvonne de Quiévrecourt s’était mariée depuis l’hiver dernier. Elle a été l’amour de sa vie, bien platonique au demeurant, et Yvonne de Galais, châtelaine du domaine mystérieux dans Le Grand Meaulnes.
Né le 3 octobre 1886 à la Chapelle d’Angillon dans le Cher, il a été déclaré à l’état civil Henri-Alban Fournier. Le 26 mars 1910, la Famille Fournier s’installa au 4e étage, 2, rue Cassini. Là, Alain-Fournier se mit pour de bon à l’écriture du Grand Meaulnes, roman ébauché depuis 1905, qu’il finit à cette adresse, la plaque commémorative en faisant foi. Là, Isabelle, sa sœur et Jacques Rivière, son époux, vécurent 6 mois avant d’aménager au 3e étage, 15, rue Froidevaux. L’ami intime d’Henri-Alban a été, d’ailleurs, directeur de 1919 à 1925 de la Nouvelle Revue Française, la NRF.
A partir de l’année 1910, Montparnasse devint, quelque part, le pays fraternel du Grand Meaulnes, le merveilleux pays de son cœur. Admirant dans Marie-Claire, « l’art d’écrire des contes qui ne soient pas des poèmes », Alain-Fournier écrivit à Marguerite Audoux, « une payse », et se rendit même au 6e étage du 10, rue Léopold Robert. Il fréquenta, à quelques pas de son domicile, les Laurens, peintres et sculpteurs, 5, rue Cassini. Proche de Paul-Albert Laurens, il y croisa André Gide, condisciple à l’Ecole Alsacienne de l’artiste.
Alain-Fournier, auteur du Grand Meaulnes est, d’ailleurs, honoré dans un square sis à Plaisance depuis le 2 mai 1973. Son corps n’avait pas encore été retrouvé. A l’âge de 27 ans, le lieutenant Fournier a été tué, le 22 septembre 1914, au cours du combat des Eparges près de la Tranchée de Calonne. Ce trépas a fait couler beaucoup d’encre…
Croix de guerre en 1920 avec palme et chevalier de la Légion d’Honneur à titre posthume en 1924, son corps et ceux de ses 20 hommes n’ont été retrouvés que près de 77 ans après. Ce fut Jean Louis et son équipe qui les découvrirent le 2 mai 1991. Ils ont été ainsi honorés dans la nécropole nationale de Saint-Remy-la-Calonne dans la Meuse.
Georges Viaud,
Président de la Société Historique et Archéologique du XIVe arrondissement
Petite musique Bibliographique Ouvrages Alain Denizot et Jean Louis, L’énigme Alain-Fournier 1914-1991 books.google.fr/books?isbn=2723320189Sites Internet Association des Amis de Jacques Rivière d’Alain-Fournier http://www.association-jacques-riviere-alain-fournier.com/page-biographie-d-alain-fournier.htm |
Prisonniers français de la Grande Guerre
Dessin de Jean-Pierre Laurens au camp de Wittenberg, près de Berlin
Paul-Albert Laurens, 126, boulevard du Montparnasse et Jean-Pierre Laurens, 5, Cassini et au camp de Wittenberg près de Berlin.
Au 5 de la voie, l’immense sculpteur et peintre d’histoire notamment au Panthéon et à l’Hôtel de Ville de Paris, Jean-Paul Laurens se fit construire un fort bel hôtel particulier par les architectes Louis Huillard et Louis Süe. En 1904, il s’y installa avec son épouse, née Madeleine Villemsens et leur deuxième fils, Jean-Pierre Laurens, peintre et prisonnier de la Grande Guerre. Cet excellent artiste fit partie des Oubliés de la guerre, pendant longtemps, on n’a voulu honorer que les morts pour la France, les blessés et les gazés, les prisonniers étant dédaignés, comme s’ils avaient commis des fautes alors qu’ils s’étaient battus vaillamment comme les autres et avaient subi les terribles conditions des camps de prisonniers allemands de la Grande Guerre, précurseurs, quelque part, des mortels camps de concentration nazis sans les inhumaines chambres à gaz et les abominables fours crématoires.
L’ainé des Laurens, Paul-Albert Laurens, peintre et graveur, avait épousé Berthe Guérin en 1900. Ils demeurèrent 126, boulevard du Montparnasse. L’immeuble d’ateliers avait fait l’heureuse transition entre l’Art Nouveau et l’Art Déco. Pendant la Grande Guerre avec les peintres A. Calbet et Zo, ils avaient soulagés « généreusement la détresse des artistes », 26, rue du Départ, tout comme Marie Vassilief dans sa fameuse cantine, 21, avenue du Maine, XVe. Il fit également partie de la section de camouflage qui était une arme artistique qui trompait mais qui ne tuait point…
Jean-Pierre Laurens, 5, Cassini et au camp de Wittenberg près de Berlin
Jean-Pierre Laurens était un ami proche de Charles Péguy tout comme Paul-Albert Laurens l’était avec André Gide. La maison de Jean-Paul Laurens était l’un des foyers intellectuels qui comptait à Montparnasse à la Belle Epoque. Alain-Fournier et Jacques Rivière y venaient en voisins également. Jean-Pierre Laurens a été très peiné de la disparition de Charles Péguy. Lieutenant de réserve dans la 19e compagnie du 276e régiment d’infanterie, l’écrivain a été tué d’une balle au front le 5 septembre 1914, à Villeroy près de Le Plessis-L’Evêque en Seine et Marne.
Marié en 1912 à Yvonne Dieterle, fille, petite-fille de peintres et sculptrice, le sergent Jean-Pierre Laurens reçut le baptême du feu le 26 août 1914 à la bataille de Cambrai. Un mois après, blessé d’une balle, il est fait prisonnier à Rocquigny près de Péronne puis a été emmené au camp principal de Wittenberg près de Berlin. Il y eut près de 600 000 prisonniers de guerre soit 1,3 % des mobilisés, bien oubliés des mémoires et des commémorations.
A Péronne, le sergent Laurens a constaté l’horreur des rafles de civils arrivant au camp. A Wittenberg, il a subi et dessiné des scènes terribles. Il a mangé à chaque repas une louche de soupe, indigne de ce nom, et 125 grammes d’un pain noir au goût aigre. Il a réussi à acheter un carnet de dessins à des prix prohibitifs à la Kantine du camp. Il a vécu et croqué la promiscuité, les inspections des baraquements, les rondes de nuit, la faim, la tristesse des prisonniers russes, l’épidémie de typhus qui se prolongea de janvier à avril 1915, l’alerte ou le tir aux lapins tuant des prisonniers pour le plaisir des gardiens, les coups de schlague donnés par brimade et entre autres, la visite dominicale des voisins de Wittenberg guidés par des gardiens…
Superbe jeune colosse, « puissant blond… d’une gaieté irrésistible » selon les dires de son frère Paul-Albert, il réjouissait ses compagnons d’infortune en déclamant notamment des vers de Victor Hugo et en chantant des opéras comiques, les sauvant ainsi de la folie selon ses codétenus. En décembre de l’année 1915, les intellectuels et les artistes ont été transportés dans un camp de représailles où ils étaient astreints à casser des pierres. Le colosse y été envoyé en juin 1916 où les extrêmes conditions eurent raison de sa santé. Renvoyé en décembre à Wittenberg, après de multiples examens, le sergent Laurens a été rapatrié en Suisse par la Croix-Rouge en avril 1917. Sa santé ne s’étant jamais remise, il décéda en 1932 des suites de sa captivité…
Georges Viaud
Président de la Société historique et Archéologique du XIVe arrondissement
Petite musique bibliographiqueVives remerciements à Olivier Laurens, petit-fils de Paul-Albert Laurens.Ouvrages Jean-Emile Bayard, Montparnasse, hier et aujourd’hui, ses Artistes et Ecrivains Etrangers et Français les plus célèbres, op. cit., pp. 364. Jean-Pierre Laurens, Prisonniers de guerre, Berger-Levrault, Paris, 1918. Jean Guitton, Jean-Pierre Laurens (1875-1932), Librairie Renouard, Paris, 1957.Revues Gilbert Perroy, La rue Cassini (avec quatre plans), Revue de la Société Historique du XIVe Arrondissement de Paris, 1962, N°7. Lucien Bodard, Chez Philippe Berthelot, 126, boulevard du Montparnasse, Revue d’Histoire de XIVe Arrondissement de Paris, 1982, N°27. Sites Internet Jean-Paul Laurens (1838-1921) et Madeleine Villemsens (1848-1913) Pierre-Albert Laurens (1875-1934) Ensemble des œuvres de Jean-Paul-Laurens et de ses fils Jean-Pierre Laurens (1875-1932) et Yvonne Dieterle & La station balnéaire d’Yport avec ses villas et ses artistes Charles Peguy (1873 -1914) Pol de Czernichowski Prisonniers de guerre de 1914-1918 |